Préparation aux situations d’urgence et intervention

Situation en 2012-2016

Les conflits sociaux et politiques entre 2011 et 2012 ont explosé au point de dégénérer en crises humanitaires d’une ampleur sans précédent et ont créé des besoins de santé auxquels plus de la moitié des pays sont actuellement confrontés. En 2012, on estime que 40 millions de personnes ont eu besoin de services de santé suite aux situations d’urgence. Aujourd’hui, ce chiffre dépasse les 62 millions. Depuis 2012, trois pays (l’Iraq, la République arabe syrienne et le Yémen) ont été déclarés en situation d’urgence de niveau 3, le niveau le plus élevé du système de désignation des situations d’urgence des Nations Unies. Les pays voisins ont également été sévèrement affectés.

Plus de la moitié des réfugiés dans le monde viennent de la Région de Méditerranée orientale, et cette dernière héberge également le nombre le plus important de personnes déplacées des suites d’un conflit. En effet, 30 millions de personnes ont été déplacées, deux tiers à l’intérieur de leur pays et le reste vers d’autres pays. Les réfugiés syriens enregistrés au Liban comptent à présent pour un tiers de la population totale du pays estimée à 4 millions, et pour 10 % de la population en Jordanie. La plupart des réfugiés vivent au sein de communautés d’accueil.

La détérioration de la situation a conduit à une exposition plus importante des personnes déplacées ainsi que des communautés d’accueil à un risque plus élevé de contracter des maladies infectieuses en raison de la surpopulation, de l’accès restreint à de l’eau ne présentant pas de risque sanitaire et à des services d’assainissement, et des différents degrés d’accès aux services de soins de santé primaires. Les flambées de maladie ont constitué une préoccupation majeure, soulignant le besoin d’améliorer les capacités de détection des menaces de santé publique et de lutte contre celles-ci.

Dans les pays en proie aux conflits et à la violence, les services de santé mentale sont le plus souvent indisponibles du fait du manque de personnel qualifié. Les prestations de soins de santé de base et d’urgence sont souvent entravées du fait des pénuries de médicaments et et de fournitures médicales essentielles et de base, de même que de carburant visant à assurer le fonctionnement continu des établissements de santé. Les systèmes de santé fragilisés et les pénuries de médicaments augmentent la charge des maladies non transmissibles, les populations n’ayant plus accès à un traitement régulier ou à des médicaments essentiels permettant de sauver des vies.

Les problèmes principaux entravant la mise en place d’une réponse efficace dans les situations d’urgence sont entre autres le manque d’accès aux populations vivant dans des zones reculées et la réduction de l’espace humanitaire. De façon inquiétante, les agents de soins et les établissements de santé font de plus en plus souvent l’objet d’attaques directes dans certains pays, ou sont indirectement affectés, ce qui fragilise les populations du fait d’un accès limité voire inexistant aux services de soins de santé. De nombreux agents de soins on dû fuir avec leurs familles.

Le financement constitue également un frein majeur à la mise en place d’une réponse efficace aux situations d’urgence. En 2012, seulement 47 % des exigences du secteur de la santé ont été satisfaites, soulignant ainsi la nécessité d’une approche plus coordonnée entre les partenaires pour répondre aux besoins de santé des populations affectées. L’année 2013 a vu une augmentation des financements ; mais ces derniers sont retombés à moins de 40 % en 2015 (Tableau 1).

Tableau 1 Financement du secteur de la santé : composante des plans d’intervention stratégique des Nations Unis pour les pays de la Région pour la période 2011-2015

 

US$ requis

US$ reçus

% financé

2016 (au 16 mai)

1,3 milliard

124 millions

9 %

2015

1,2 milliard

470 millions

39 %

2014

1 milliard

560 millions

54 %

2013

795 millions

512 millions

64 %

2012

774 millions

366 millions

47 %

2011

537 millions

417 millions

78 %

Malgré le grand nombre de situations d’urgence aigües et prolongées dans la Région, et malgré l’exposition aux catastrophes naturelles, la politique et la législation nécessaires pour appuyer et faciliter la préparation aux situations d’urgence et l’organisation des secours à tous les niveaux et dans tous les secteurs on fait défaut et continuent de faire défaut dans un grand nombre de pays. Seul un tiers d’entre eux ont institutionnalisé des programmes de préparation aux situations d’urgence et d’organisation des secours au sein du secteur de la santé.

Progrès 2012-2016

Rôle de direction

Un programme ambitieux de réforme est en cours depuis 2014 pour faire suite à la demande du Comité régional d’améliorer les capacités d’action dans les situations d’urgence et de crise humanitaire dans la Région. Une nouvelle structure organisationnelle mise en place en 2015 comprend les capacités requises pour les interventions d’urgence, la coordination des partenaires et les services essentiels pour l’action d’urgence. Un centre régional pour la préparation aux situations d’urgence et l’éradication de la poliomyélite a été établi à Amman. Le travail de ce centre s’est aussi concentré sur le développement des capacités et l’élaboration de mécanismes pour déployer des experts externes dans les situations d’urgence.

Un fond de solidarité régional a été établi afin d’assurer la disponibilité immédiate des ressources financières et déclencher l’action le plus tôt possible quand une crise éclate. Un centre régional de logistique dédié de l’OMS dans la Cité humanitaire internationale de Dubaï a été créé et le stockage préalable de fournitures médicales indispensables à Dubaï permet d’assurer l’approvisionnement, en temps opportun, en médicaments, en fournitures médicales et en matériel médical de première nécessité, en véhicules et en ambulances pour les pays de la Région. Par exemple, pendant la guerre de Gaza en juillet et août 2014, l’OMS et ses partenaires ont été en mesure de répondre rapidement aux besoins en fournitures médicales et chirurgicales grâce à un pont aérien depuis Dubaï.

Interventions

L’OMS a mené la réponse de santé publique dans tous les pays en crise, dont l’Iraq, la République arabe syrienne et le Yémen. Afin d’assurer la disponibilité des services de santé pour les populations vulnérables, notamment pour les femmes et les enfants dans les zones les plus affectées, l’OMS a intensifié l’approvisionnement en fournitures médicales, a renforcé les systèmes d’alerte rapide pour suivre et maîtriser les flambées de maladies, a créé des cliniques mobiles pour augmenter l’accès aux services de santé, et a fourni du carburant afin de permettre le bon fonctionnement des établissements de santé. La fourniture de services de santé obstétricaux et gynécologiques a été soutenue, au même titre que les vaccinations pour les enfants de moins de 5 ans. Les services de santé mentale ont également reçu un appui et un kit sanitaire d’urgence a été mis au point pour répondre aux besoins des populations affectées par les situations d’urgence en vue de la prise en charge des maladies non transmissibles.

Les partenariats avec des organisations non gouvernementales ont été mis en place et renforcés sur le terrain pour assurer l’accès aux soins de santé pour les populations vivant dans des zones difficiles d’accès, et l’OMS a continué de plaider en faveur d’un libre accès aux soins de santé pour tous les patients.

Le nombre d’agents de santé formés a été augmenté dans la Région afin de renforcer les capacités nationales, avec notamment 20 000 agents de santé formés en Syrie seulement depuis 2012. Les formations ont couvert les domaines des soins traumatologiques, les services de vaccination systématique de base et la gestion des vaccins, la lutte contre les infections, la prise en charge des maladies chroniques, les soins de santé mentale, la surveillance des maladies, la nutrition et les soins de santé génésique.

La Région a mis en place des approches pionnières pour renforcer la surveillance systématique de santé publique au moyen de technologies mobiles et d’une plateforme en ligne. Le nombre de sites sentinelles pour le réseau d’alerte et d’intervention rapides (EWARN) a été étendu aux zones difficiles d’accès.

À la suite des flambées de poliomyélite et de rougeole dans la Région, la campagne contre la flambée de poliomyélite au Moyen-Orient a permis de vacciner plus de 27 millions d’enfants dans huit pays entre 2013 et 2015. Cette campagne multi-pays, qui a permis de stopper la transmission en République arabe syrienne et en Iraq, est considérée par le Comité de suivi indépendant de la poliomyélite comme un exemple d’endiguement de flambée particulièrement bien géré. Les partenariats ont été renforcés et étendus aux institutions religieuses clé et les organisations non gouvernementales, notamment celles œuvrant dans des zones contrôlées par l’opposition.

État de préparation

Un cadre complet de préparation aux situations d’urgence a été mis au point, soulignant les 10 actions prioritaires à mettre en place à l’échelle nationale. L’accent a été mis sur le développement des capacités au moyen de programmes, d’outils et de cours de formation élaborés pour soutenir la préparation aux situations d’urgence et l’organisation de la riposte dans le secteur de la santé, notamment le premier cours de formation régional pour le pré-déploiement dans les situations d’urgence mené début 2016 pour améliorer la montée en puissance des capacités dans la Région.

Orientations futures

Le déplacement de dizaines de millions de personnes, les dommages causés et la destruction massive des grandes villes, les hostilités en cours et les attaques perpétrées contre les groupes communautaires, et toutes les catastrophes humanitaires qui en ont découlé nous assurent que nous continuerons d’être confrontés aux problèmes de santé qui y sont associés dans les années à venir. De fait, des stratégies et des groupes mis au point pour gérer spécifiquement les problèmes de santé liés aux crises doivent être institutionnalisés et maintenus. La restructuration des entités de santé nationales et régionales, notamment le Bureau régional, doit être menée à bien de façon à ce que nous puissions gérer les crises sanitaires aiguës et prolongées d’une manière adéquate.

Dans les années à venir, l’OMS continuera d’intensifier son action pour soutenir les États Membres dans la Région à mettre au point des programmes efficaces de préparation aux situations d’urgence se concentrant sur les communautés les plus à risque. Des partenariats plus solides avec les autorités sanitaires, les organisations non gouvernementales, les responsables communautaires, les institutions universitaires, les donateurs et d’autres acteurs devront être encouragés.

Les déficits de financement constituent un problème majeur, les pays en situation de crise prolongée et avec des infrastructures et des habitations urbaines détruites n’ayant pas les ressources nécessaires pour reconstruire ou pour fournir des soins de santé à leurs populations. Des politiques de mobilisation des ressources plus innovantes et durables avec des donateurs non habituels seront nécessaires pour combler ces déficits.

Une intensification de l’action de plaidoyer en faveur de la protection des agents de santé et des établissements de soins, garantie en vertu du droit international, y compris les Conventions de Genève, est nécessaire. Les attaques ciblées contre les agents de santé et les établissements de soins doivent cesser. Des actions de persuasion plus importantes sont aussi nécessaires pour faciliter l’accès aux populations assiégées. Les pauses humanitaires peuvent être utilisées pour mettre en avant la santé en tant qu’instrument permettant d’instaurer la paix.