Préparation et riposte aux situations d’urgence

Aperçu

En 2013, l’action humanitaire est entrée en terrain inconnu eu égard à l’ampleur des problèmes et au nombre de personnes nécessitant une aide. Ceci était principalement dû à la crise en République arabe syrienne ; en effet, on estime que fin décembre 2013, près de 6,8 millions de personnes dans le pays et 2,3 millions de réfugiés syriens dans les pays voisins avaient besoin d’une aide humanitaire. Globalement, plus de 42 millions de personnes dans 13 pays de la Région sont actuellement touchées par des catastrophes naturelles ou de la violence résultant de conflits politiques.

Des inondations ont touché des régions de l’Afghanistan, la Palestine, du Pakistan et du Soudan ; et des séismes ont frappé certaines zones de l’Afghanistan, de la République islamique d’Iran et du Pakistan, affectant des millions de personnes et constituant une menace pour la santé publique. L’OMS a contribué à des activités de secours dans les pays touchés par ces catastrophes en participant aux missions d’évaluation qui visent à identifier les besoins sanitaires, en assurant la fourniture de médicaments essentiels et d'un appui technique, en renforçant la surveillance des maladies et en coordonnant les activités des partenaires en santé sur le terrain.

Impact des situations d’urgence prolongées

Certaines populations vivant dans des pays et territoires qui connaissent des situations d’urgence prolongées n’ont toujours pas accès à des services de santé de base, en raison de la fragilisation des systèmes de santé, notamment une pénurie d’agents de santé qualifiés et un manque de médicaments et de fournitures médicales. Jusqu’à 8,6 millions de personnes n’ont pas accès aux services de santé au Yémen et 13 millions de personnes – c’est-à-dire plus de la moitié de la population – ne disposent pas de points d’eau améliorés. Par conséquent, les Yéménites courent un risque élevé de flambées épidémiques de maladies transmises par l’eau, telles que le choléra et la dysenterie.

Dans la bande de Gaza, l’insuffisance des fournitures de base met à rude épreuve la capacité du système de santé à continuer de fournir des soins de santé d’un bon niveau à la population palestinienne qui s’élève à 1,7 million d’habitants. Le manque d’accès empêche les personnes de jouir de leur droit à la santé. Le bureau de l’OMS en Cisjordanie et à Gaza a publié un rapport sur les difficultés rencontrées par des milliers de patients palestiniens pour obtenir un permis israélien afin d’accéder aux soins de santé spécialisés à Jérusalem-Est, en Jordanie et en Israël. Un habitant de Cisjordanie sur cinq s’est vu refuser une autorisation d’accès aux soins de santé en 2012. L’étude a utilisé des données disponibles auprès de l’Autorité nationale palestinienne et de prestataires de soins de santé à but non lucratif pour montrer que les restrictions imposées par Israël sur les déplacements en Cisjordanie et à Gaza entravaient l’accès aux services de santé pour les patients palestiniens et les prestataires de soins de santé, notamment à Jérusalem-Est, où sont situés les principaux centres d’orientation-recours palestiniens.

La morbidité et la mortalité maternelle et infanto- juvénile atteignent un niveau inacceptable en Somalie. Selon l’OMS, un enfant sur cinq meurt en Somalie avant d’atteindre l’âge de cinq ans et une femme sur douze décède en raison de problèmes liés à la grossesse, l’hémorragie et l’hypertension étant les premières causes de mortalité maternelle. L’un des facteurs principaux est l’accès limité à des services de santé de qualité, notamment dans les communautés rurales et les zones éloignées. L’OMS et la Campagne nationale saoudienne pour les secours au peuple somalien ont lancé un projet sur dix-huit mois afin d’assurer des interventions permettant de sauver des femmes et des enfants, comme la mise en place de centres de santé mobiles dans les zones éloignées, la livraison de médicaments et de fournitures médicales, les activités de vaccination pour les enfants de moins de cinq ans et le renforcement des capacités des personnels de santé maternelle et infanto-juvénile.

Les soins de santé en danger

Dans les pays où des conflits sont actuellement en cours, une des principales difficultés rencontrées par le personnel humanitaire est la menace à leur sécurité. En dépit des législations humanitaires internationales et des Conventionsde Genève appelant à leur protection, le personnel humanitaire et les établissements de santé demeurent à risque. Ceci est particulièrement marqué dans la Région de la Méditerranée orientale où la plupart des attaques perpétrées ces dernières années ont eu lieu. Les agents de santé au Pakistan et en Somalie continuent de faire face à de graves menaces de violence tandis qu’au Yémen et en République arabe syrienne, les établissements de santé ont été bombardés, les ambulances brûlées ou volées, et des centaines d’agents de santé tués, attaqués ou enlevés. Les patients courent également un risque.

Assurer la prestation de services de santé et la livraison de fournitures sanitaires en situations d’urgence

Afin de répondre immédiatement et efficacement aux besoins des pays en situation d’urgence, l’OMS gère actuellement l’équivalent de 94 millions de dollars US de médicaments, fournitures médicales et matériel d’urgence, au sein de la Cité humanitaire internationale de Dubaï, dans le cadre d’un accord avec le Programme alimentaire mondial (PAM). En 2013, ces stocks ont été réapprovisionnés à trois reprises dans le but d’atteindre les populations touchées par une situation d’urgence en République arabe syrienne et dans les pays voisins (Égypte, Iraq, Jordanie et Liban) ainsi qu’en Afghanistan, en Somalie et au Soudan.

En raison de décennies d’inaction et du conflit libyen de 2011, la disponibilité des services de santé mentale a baissé dans ce pays. L’OMS et le ministère de la Santé libyen ont lancé deux diplômes de deuxième cycle universitaire en soins de santé mentale primaires et interventions psychothérapeutiques cliniques en 2013, au sein du centre national de lutte contre les maladies, dans l’objectif de combler le manque de ressources humaines en matière de santé mentale et de soutien psychosocial, notamment dans les zones reculées et mal desservies.

Impact sanitaire de la crise en République arabe syrienne et réponse de l’OMS

Le mois de mars 2013 a marqué le début de la troisième année de la crise en République arabe syrienne, dont l’ampleur et l’impact sont sans précédent dans l’histoire récente. Selon les Nations Unies, fin décembre 2013, on dénombrait environ 120 000 à 130 000 décès et plus de 625 000 blessés. Dans le pays, on estime que 9,3 millions de personnes ont besoin d’une assistance, dont 6,5 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays.

L’impact de la crise est grandement perceptible dans l’effondrement des services de santé et la détérioration des résultats en matière de santé, qui sont soit directement dus aux décès ou aux traumatismes, soit indirectement causés par l’exacerbation des maladies et l’augmentation des problèmes de santé. Le système de santé a été gravement perturbé, mettant en jeu la prestation de soins de santé primaires et secondaires, l’orientation-recours des patients blessés, le traitement des maladies chroniques, la prestation de services de santé de la mère et de l’enfant et la fourniture de soins de santé mentale, ainsi que la mise en œuvre de programmes de vaccination et la lutte contre les maladies infectieuses.

Au premier trimestre 2013, le système d’alerte précoce pour la prévention des flambées épidémiques qui couvre l'ensemble des quatorze gouvernorats, a signalé une augmentation significative de la diarrhée aqueuse aiguë, de l'hépatite A et de la fièvre entérique (typhoïde). De nouveaux cas de maladies évitables par la vaccination ont également réapparu en raison de la baisse de la couverture vaccinale qui est passée de 95 % en 2010 à 45 % en 2013. Tandis que la couverture par la vaccination systématique a baissé dans le pays, on constate des cas de maladies transmissibles chez les Syriens et dans les communautés d’accueil en dehors du pays, ce qui entraîne un risque accru de flambées épidémiques. La flambée de poliomyélite démontre clairement les conséquences de la détérioration des indicateurs sanitaires et des conditions de vie des Syriens. Cette situation a exigé une surveillance impliquant plusieurs pays et coordonnée au niveau régional ainsi que plusieurs séries de vaccinations de masse dans le cadre de la plus grande campagne de vaccination jamais organisée au Moyen-Orient, dans le but de vacciner plus de 23 millions d’enfants en 2013 et en 2014 dans plusieurs pays.

Des mesures clés de prévention et de lutte ont été prises par l’OMS et les partenaires en vue de répondre aux menaces pour la santé publique que posent les maladies infectieuses, notamment la fourniture d’eau potable et l’assainissement, le renforcement des systèmes d’alerte précoce pour le dépistage des maladies, et le prépositionnement des médicaments et des fournitures médicales, en plus de campagnes urgentes de vaccination de masse, en République arabe syrienne et dans les pays voisins.

Le nombre croissant de Syriens atteints de maladies chroniques, la destruction des capacités pharmaceutiques locales et l’embargo sur les importations ont entraîné une importante pénurie de médicaments essentiels qui permettent de sauver des vies. Avec l’appui des experts de la Région, la liste nationale de médicaments essentiels a été actualisée pour refléter les besoins sur la base des profils de patients mis à jour et de la demande suite à la crise, et en tenant compte des stocks déjà disponibles dans le pays et des fournitures que l’OMS avait prévu de livrer. Outre les fournitures pour le traitement des traumatismes dus au conflit, la liste comprend des médicaments permettant de sauver des vies et des fournitures médicales nécessaires pour traiter les maladies cardio-vasculaires, le diabète, et pour la santé génésique, ainsi que des équipements essentiels pour les hôpitaux. Suite aux signalements faisant état de l’utilisation d’armes chimiques contre des civils, l’OMS a soutenu les missions d’inspection d’armes chimiques menées par les Nations Unies en République arabe syrienne en déployant deux experts en santé et en fournissant du matériel sanitaire. L’OMS a également distribué aux partenaires et au public des supports d’information et des éléments d'orientations sur l’exposition aux produits chimiques, les symptômes et la protection et a organisé une série de formations destinées aux professionnels de la santé afin de renforcer les capacités en ce qui concerne les connaissances des armes chimiques et la prise en charge en cas d’exposition.

Dans le pays, l’OMS œuvre dans les zones contrôlées par le gouvernement et également au delà de ces zones, en utilisant un réseau d’organisations non gouvernementales ainsi que la Société du Croissant-Rouge syrien. Une telle approche a été cruciale pour atteindre un maximum de populations civiles ayant besoin d’une assistance, en particulier les enfants devant être vaccinés dans le cadre de la campagne de vaccination contre la poliomyélite. L’approche globalement réussie et menée conformément aux principes de l’action humanitaire, a cependant rencontré à plusieurs reprises des obstacles lorsque l’accès aux populations vulnérables situées dans les zones contrôlées par l’opposition était refusé ou difficile et lorsque les médicaments essentiels étaient retirés des convois humanitaires.

Tenant compte des aspects susmentionnés et dans le but de répondre efficacement à la crise au plan sanitaire, l’OMS a identifié cinq priorités stratégiques pour 2014 : veiller à l’accès des patients aux services de santé dont ils ont besoin, garantir la possibilité pour les agents de santé de se rendre au travail dans les zones où leur présence est la plus nécessaire, et protéger les établissements de santé (par le biais du plaidoyer) ; assurer la prise en charge des traumatismes et des blessures (y compris les traumatismes de santé mentale) ; surveiller et maîtriser les maladies infectieuses par le biais de la mise en place de systèmes d’alerte précoce et lutter contre ces maladies dans ce cadre ; veiller à l’approvisionnement continu en médicaments vitaux essentiels et en fournitures médicales, et appuyer la chaîne d’approvisionnement ; remédier aux lacunes en matière de prestation de services de soins de santé tels que les services de santé de la mère et de l’enfant, les maladies chroniques, ainsi que l’eau et les services d’assainissement.

Impact de la crise en République arabe syrienne au niveau régional et réponse de l’OMS

Dans les pays voisins, le nombre croissant de réfugiés, qui selon le HCR a atteint 2,3 millions fin 2013, exerce une énorme pression sur les communautés d’accueil, en termes d’infrastructures et de ressources. Outre les Syriens qui nécessitent une assistance, 2,7 millions de personnes parmi les populations d’accueil des pays voisins sont également à risque.

Les coûts financiers élevés associés à l’accueil d’un nombre croissant de personnes déplacées constituent un risque pour la stabilité sociale de pays tels l’Iraq, la Jordanie et le Liban. Tandis que la pression sur les services de santé, l’eau et l’assainissement, les abris, les emplois et l’éducation continue, les tensions entre les communautés de personnes déplacées et les communautés d’accueil sont également accrues, surtout en Jordanie et au Liban où la majorité des réfugiés vivent dans des communautés d’accueil. L’insécurité et l’imprévisibilité politiques qui prévalent en Iraq et au Liban s’ajoutent aux difficultés rencontrées pour acheminer l’aide humanitaire et fournir des services de santé aux populations touchées.

L’action de l’OMS dans les pays voisins en 2013 a consisté en un appui fourni aux autorités sanitaires de la manière suivante : en consolidant le système d’alerte et d’action rapides afin de lutter au mieux contrelesflambéesdemaladiestransmissiblesparmi les réfugiés et dans les communautés d’accueil ; en participant aux campagnes de vaccination pour les réfugiés et les communautés d’accueil ; en renforçant les capacités des personnels des soins de santé primaires, en fournissant un appui pour l’évaluation des établissements de santé ; en renforçant les systèmes d’information sanitaire et en permettant la fourniture de médicaments essentiels et d’équipements médicaux.

L’équipe de soutien aux opérations d’urgence de l’OMS mise en place en janvier 2013 à Amman (Jordanie), avec pour objectif d’aligner et d’harmoniser les activités de riposte régionale à la crise syrienne dans six pays touchés, a continué de coordonner les contributions du secteur de la santé avec d’autres organisations humanitaires régionales. Près de 12 mois après sa création, l’équipe de soutien aux opérations d’urgence a vu sa structure et son mandat modifiés afin de renforcer sa capacité à soutenir la réponse régionale et les besoins en matière de santé qui évoluent.

Soutien des donateurs

En 2013, l’OMS a pu poursuivre ses activités et interventions permettant de sauver des vies dans les pays en situation d’urgence grâce au soutien des gouvernements d’Arabie saoudite et du Koweït, d’organisations caritatives saoudiennes et de la Ligue des États arabes (Conseil des ministres arabes de la Santé). Néanmoins, il faut davantage de financement et cela constitue toujours un obstacle à l’OMS pour atteindre les populations touchées. Des conférences pour des annonces de contribution, telles que celles accueillies par le Koweït pour soutenir l’action humanitaire régionale en République arabe syrienne, et par le Qatar pour la reconstruction et le développement au Darfour, ont permis d’encourager la mobilisation des ressources à l’appui des efforts humanitaires déployés dans ces pays. Plusieurs pays qui font face à des situations d’urgence continues, tels l’Afghanistan, la Somalie et le Yémen demeurent gravement sous-financés. Par exemple, en Somalie et au Yémen – les deux pays qui vivent les crises humanitaires les plus graves – seuls 24 à 27 % des besoins de financement pour le secteur de la santé ont été couverts en 2013, par conséquent des millions de personnes peinent toujours à avoir accès aux services de santé de base les plus élémentaires.

Le Plan d’aide humanitaire pour la Syrie et le Plan d’action régional pour la crise syrienne ont été lancés à la fin 2013 et ont été examinés avec les États Membres et les donateurs internationaux lors d’une réunion de donateurs de l’OMS à Genève. L’OMS a besoin d’un total de 246 millions de dollars US pour 2014 (186 millions de dollars US pour la République arabe syrienne et 60 millions de dollars US pour les pays voisins) afin de répondre aux besoins urgents de la population syrienne et des communautés d’accueil. Ces besoins rentrent dans le cadre du plus grand appel des Nations Unies à ce jour, d’un montant de 6,5 milliards de dollars, en faveur d’une seule situation d’urgence humanitaire. Plus de 450 millions de dollars US sont nécessaires pour fournir des médicaments essentiels et qui permettent de sauver des vies ainsi que des fournitures médicales à 9,3 millions de personnes dans les zones contrôlées par le gouvernement comme dans celles contrôlées par l’opposition.

Préparer les pays à la gestion des risques liés aux catastrophes et aux situations d’urgence

En matière de préparation aux catastrophe et aux situations d’urgence, divers défis ont une incidence sur la capacité à mettre en œuvre des actions sur le terrain. L’instabilité régionale globale constitue un facteur majeur, et au niveau national, les priorités changeantes, la forte rotation des personnels et le manque d’allocation de ressources constituent des facteurs. Dans certains pays, la nécessité de répondre aux situations d’urgence aiguës relègue au second plan le développement de la gestion des risques en situation d’urgence dans le secteur de la santé.

Des progrès sont cependant réalisés en ce qui concerne le passage de la politique à l’action. La plupart des pays ont intégré l’approche de gestion globale des risques à leurs mesures nationales de préparation et de riposte aux situations d’urgence. L’OMS fournit un appui technique aux pays pour les aider à élaborer et remanier leurs plans nationaux de préparation et d’intervention en cas de situation d’urgence, comme le prévoit le Règlement sanitaire international, afin de renforcer la sécurité sanitaire dans la Région.

Garantir la sécurité et la préparation des établissements de santé et des agents de santé dans le cadre de la réponse à toute urgence de santé publique est demeuré une priorité dans l’ensemble des pays. Cinq pays ont mis en œuvre le programme pour la sécurité des hôpitaux. Compte tenu du caractère essentiel de cette question, l’OMS a rejoint le réseau « soins de santé en danger » créé par le Comité international de la Croix-Rouge.

L’OMS a poursuivi son plaidoyer auprès des pays afin qu’ils intègrent le secteur de la santé au cadre de réduction des risques de catastrophe. L’Organisation collabore avec des partenaires de la Région et du monde entier pour aider les pays à mettre en place des plateformes de santé nationales en vue de coordonner les interventions sanitaires pour une réduction des risques de catastrophe. La première conférence arabe sur la réduction des risques de catastrophe s’est tenue en Jordanie pour lancer la plateforme de réduction des risques de catastrophe en arabe. Lors de cette conférence, un forum multisectoriel a inscrit la santé en tant que domaine prioritaire du cadre de développement pour l’après-2015.