Déclaration du Directeur régional de l'OMS, le Dr Ahmed Al-Mandhari, sur notre lutte collective contre la COVID-19

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28 avril 2020

Chers collègues et chers amis

Ramadan Kareem. Merci de vous joindre à nous une fois de plus pour poursuivre notre lutte collective contre la COVID-19.

Ces dernières semaines, cette lutte est devenue encore plus compliquée avec l'apparition du virus dans des pays tels que la République arabe syrienne, la Libye et le Yémen. Des décennies et des années de conflits — parfois associés à des catastrophes naturelles et à des épidémies antérieures — ont entraîné l’affaiblissement des systèmes de santé dans ces pays, ainsi que des pénuries de personnels de santé et un accès limité aux services de soins médicaux les plus élémentaires.  

Des millions de personnes déjà vulnérables dans ces pays sont également davantage sujettes aux maladies infectieuses du fait de conditions de vie surpeuplées, d'une immunité affaiblie en raison d'années d'insécurité alimentaire et d'un traitement insuffisant pour d'autres pathologies sous-jacentes. 

Nombre de ces pays sont également politiquement fragmentés, ce qui se traduit par un accès humanitaire limité aux populations dans certaines zones et par des difficultés dans l’échange rapide et transparent d’informations entre les parties en charge et l’OMS.

En République arabe syrienne, la mise en œuvre partielle de mesures de santé publique en raison de difficultés économiques dues à la guerre et aux sanctions, la lenteur des tests qui entraînent des retards dans la détection, l'isolement et la recherche des contacts laissent présager une augmentation des cas dans les semaines à venir. La situation est encore plus critique dans les zones du nord-ouest et du nord-est du pays sous contrôle des forces opposées, où l'accès humanitaire est limité et où des centaines de milliers de personnes sont plus menacées.

Dans le nord-est, où un cas a été confirmé jusqu’à présent, il est difficile de regrouper le nombre de cas notifiés avec celui du reste du pays, en raison du manque de coopération entre les différentes autorités en charge de la situation.

En Libye, les combats se poursuivent à Tarhouna, au sud de Tripoli, et les bombardements se poursuivent près de l'aéroport de Mitiga à Tripoli. Les habitants du grand Tripoli continuent d'être touchés par de graves pénuries d'eau. Ce ne sont là que quelques-unes des menaces qui entravent notre travail de protection des personnes innocentes contre la COVID-19 et d’autres risques pour la santé.

Au Yémen – la pire catastrophe humanitaire au monde – plus de 13 millions de personnes par mois dépendent de l'aide alimentaire, 2,5 millions d'enfants de moins de 5 ans ont besoin d'un soutien nutritionnel et 8,8 millions ont besoin de soins de santé, ce qui les rend plus susceptibles de contracter des maladies infectieuses telles que la COVID-19 en raison d'un système immunitaire affaibli. Le système de santé du Yémen est fragile et l’émergence de la COVID-19 pourrait être catastrophique – submergeant les hôpitaux, les établissements de santé et les agents de santé déjà ravagés. Les conditions d'exploitation et l'accès dans certaines régions du pays sont restrictifs, laissant des millions de personnes exposées et vulnérables.

Je voudrais souligner ici que la santé est un droit de l'homme. Notre mandat en tant qu’OMS est – et a toujours été – de servir toutes les personnes ayant besoin d’une aide sanitaire, indépendamment de leur sexe, de leur race, de leur situation géographique ou de leur affiliation politique. 

Nos représentants de l’OMS, notre personnel et nos partenaires de santé travaillant dans ces pays et dans d’autres opèrent souvent dans des conditions extrêmement difficiles. Mais ils ont tous un objectif commun : protéger la santé des personnes qu'ils servent et laisser la politique derrière eux.

En tant qu'humanitaires, nous n'avons pas d'agenda caché ni de parti pris. Nous respectons notre mandat fondamental qui est que la santé est neutre et que nous garantissons l'accès humanitaire à tous, partout.

Nous nous engageons à veiller à ce que les médicaments et les vaccins soient partagés équitablement avec tous les pays et toutes les personnes au fur et à mesure de leur mise au point.

Ces dernières années, nous avons défendu avec succès la santé comme passerelle vers la paix et négocié des cessez-le-feu pour organiser des campagnes de vaccination et d'autres activités qui sauvent des vies. Ces efforts se poursuivent maintenant, car il devient encore plus crucial de s’assurer que tous les cas de COVID-19 sont rapidement identifiés et correctement isolés et traités, et que tous les contacts sont suivis pour éviter toute nouvelle transmission.

Chers collègues

Alors que la maladie continue de se propager dans notre Région, le nombre de cas notifiés semaine après semaine a légèrement diminué dans certains pays. Certains de ces pays ont développé une stratégie de sortie et ont commencé à lever les restrictions, notamment l'assouplissement des couvre-feux et la fermeture des aéroports. Sans une planification minutieuse, et en l’absence de capacités accrues en matière de santé publique et de soins cliniques, cette levée prématurée des mesures de distanciation physique est susceptible d’entraîner une résurgence incontrôlée de la transmission du COVID-19 et une seconde vague amplifiée de cas.

Il a été beaucoup question de savoir si les patients infectés par le virus étaient désormais immunisés contre la réinfection. Nous disposons d’informations limitées sur la capacité d’une personne infectée par le virus à développer une réponse des anticorps et pour combien de temps, et il n’existe aucune preuve qu’un test sérologique puisse démontrer qu’une personne est immunisée contre la COVID-19 après avoir contracté la maladie et guéri. 

L’OMS collabore avec des chercheurs pour accélérer la mise au point de vaccins et de traitements contre la COVID-19. Plus de 80 vaccins sont en cours de mise au point dans le monde, dont 6 en évaluation clinique, et plusieurs traitements sont en cours d’essais cliniques. Un essai solidaire pour la mise au point de vaccins sera lancé, en plus de l’essai thérapeutique actuel.

Ces quatre derniers mois, cette pandémie nous a tous enseigné de nombreuses leçons sur la nécessité d'une action mondiale unie pour faire face à une menace mondiale. L'heure n'est pas à la politique, aux accusations ou à la méfiance. Nous ne pouvons réussir qu’en travaillant ensemble en tant que nations, humanitaires, communautés et individus, et en veillant à ce que nos actions – fondées sur la solidarité, le partenariat réel, la confiance mutuelle et la transparence – servent même les plus vulnérables pour le bien commun.

Il n’y a pas de meilleur moment qu’aujourd’hui pour l’unité et la collaboration entre les nations – qu’il s’agisse de nations stables ou de pays en conflit. Que cette pandémie sans précédent soit l'occasion pour tous de mettre de côté leurs différences, de trouver un terrain d'entente et de travailler ensemble pour le bien de l'humanité.