La satisfaction des pharmaciens au Liban et la perspective de la pharmacie clinique

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R. Bou Antoun1 et P. Salameh1

رضا الصيادلة في لبنان ومستقبل الصيدلة السريرية (الإكلينيكية)

رنى بو أنطون، باسكال سلامة

الخلاصـة: أجرت الباحثتان مسحاً بواسطة استبيانات (استمارات أسئلة) وزعتاها على المجتمع وعلى شركات المستحضرات الصيدلانية في لبنان، لتقييم مدى رضاهم عن وضعهم المهني، وعن مدى ترحيبهم بالعمل كصيادلة سريريين (إكلينيكيين). وقد كان معظم صيادلة المجتمع راضين بوضعهم المهني (أكثر من %50)، وذلك باستثناء عدم رضاهم بالجوانب المادية (%40). أما بالنسبة للصيادلة الذين يعملون لدى الشركات الصيدلانية، فإن %35 منهم فقط يفكرون بأن لمهنتهم صورة إيجابية. ومع ذلك فإن أكثر من %65 منهم راضون بالموقع الاجتماعي والمالي. وكان %25 من الصيادلة العاملين في الشركات الصيدلانية مستعدين للانتقال إلى الصيدلة السريرية بدَخْلٍ أقل. كما أن ما يزيد على %75 من الصيادلة المجتمعيين كانوا مستعدين لتطبيق الصيدلة السريرية في ممارساتهم، وسيكونون مستعدين لحضور دورات تدريبية في هذا المجال.

RÉSUMÉ Nous avons mené une étude par questionnaire auprès des pharmaciens pratiquant au Liban comme pharmaciens d’officine ou en firme pharmaceutique afin d’évaluer leur satisfaction de leur statut professionnel et leur disponibilité à travailler comme pharmaciens cliniciens. La majorité des pharmaciens d’officine (> 50 %) sont satisfaits de leur situation professionnelle, excepté pour les avantages financiers (40 %). Pour les pharmaciens des firmes pharmaceutiques, seuls 33 % estimaient que leur profession avait une image positive en société. Cependant, la majorité était satisfaite des avantages sociaux et financiers (> 65 %). Le quart des pharmaciens en firme pharmaceutique seraient prêts à quitter la prospection pour la pharmacie clinique avec moins de revenus. Plus de 75 % des pharmaciens d’officine ont accepté d’appliquer la pharmacie clinique dans leurs officines et veulent bien assister à des cours de mise à niveau dans ce but.

Satisfaction of pharmacists in Lebanon and the prospect for clinical pharmacy

ABSTRACT We conducted a questionnaire survey among community and pharmaceutical company pharmacists in Lebanon to evaluate their satisfaction with their professional status and their willingness to work as clinical pharmacists. The majority of community pharmacists were satisfied with their professional situation (> 50%), except for the financial aspect (40%). For pharmaceutical company pharmacists, only 33% thought that their profession had a positive image. However, > 65% were satisfied with social and financial standing. About 25% of pharmacists in pharmaceutical companies were ready to switch to clinical pharmacy with less income. Over 75% of the community pharmacists were prepared to apply clinical pharmacy in their practice and would be ready to attend courses for this purpose.

1Faculté de Pharmacie, Université Libanaise, Beyrouth (Liban) (Correspondance à adresser à P. Salameh : This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.).
Reçu : 11/01/09 ; accepté : 22/03/09
EMHJ, 2009, 15(6):1553-1563


Introduction

La pharmacie, une profession jadis orientée vers le médicament, adopte aujourd’hui une nouvelle philosophie de pratique qui définit le patient comme son premier bénéficiaire. La pharmacie clinique est ainsi définie, représentant l’âge de maturité de la pharmacie. Le pharmacien, connu d’abord par son mortier puis comme un commercial, devient aujourd’hui un membre de l’équipe des soins de santé. La pharmacie clinique a été décrite par différents collèges de pharmacie [1,2] : c’est l’utilisation optimale des connaissances pharmaceutiques et biomédicales du pharmacien clinicien dans le but d’améliorer l’efficacité, la sécurité, l’économie et la précision, selon lesquelles les médicaments doivent être utilisés dans la thérapeutique médicamenteuse. Le pharmacien clinicien est formé à juger la collecte, l’interprétation et l’application des informations spécifiques du patient qui sont utilisées pour déterminer la mise en oeuvre et le suivi de la thérapeutique médicamenteuse [3]. Il travaille en coopération avec les autres professionnels de soins pour assurer une utilisation sûre, efficace et économique des médicaments.

La pharmacie clinique a pris naissance aux États-Unis dans les années soixante et elle s’est élargie vers les pays européens, et récemment les pays asiatiques. Les activités des pharmaciens cliniciens sont décrites dans différents articles publiés aux États-Unis ou en Europe [1-3] et peuvent influencer l’usage des médicaments à trois niveaux [2] : avant la prescription, au moment de la prescription et après la prescription. L’impact de ces activités sur la qualité des soins, la qualité de vie, la mortalité et le coût de la thérapeutique médicamenteuse a été évalué par plusieurs études et s’est montré bénéfique [4-7]. Parmi les 104 études publiées dans la période allant de 1988 à 1995, 89 % décrivent les bénéfices financiers et le rapport coût/bénéfice est estimé à 16,7/1 [8].

Au Liban, le programme d’enseignement de la pharmacie clinique a commencé en 1992 par l’Université libanaise et l’Université Saint-Joseph. Aujourd’hui, il existe cinq facultés de pharmacie ayant chacune un programme d’enseignement différent. Cependant, la pharmacie clinique n’est toujours pas appliquée en tant que profession. L’objectif de cette étude est d’évaluer la satisfaction des pharmaciens dans leur travail et la possibilité de pratiquer la pharmacie clinique si elle est intégrée dans le système de soins libanais.

Méthodes

Type de l’étude

Il s’agit d’une étude transversale à visée descriptive menée auprès des pharmaciens pratiquant actuellement au Liban.

Population de l’étude

L’étude renferme deux échantillons. Un échantillon formé de pharmaciens d’officine et un échantillon formé de pharmaciens travaillant dans les firmes pharmaceutiques. L’échantillon des pharmaciens d’officine est formé de 4,6 % du nombre total des pharmacies au Liban, sélectionnées au hasard dans différentes régions libanaises à partir de la liste des pharmacies que l’on s’est procuré auprès de l’Ordre des Pharmaciens au Liban. Les pharmaciens y ont été interrogés sur le lieu de travail, qu’ils soient propriétaires de la pharmacie ou pharmaciens assistants. L’échantillon des pharmaciens en firme pharmaceutique a été constitué de pharmaciens travaillant dans les 20 firmes pharmaceutiques possédant le nombre le plus élevé de pharmaciens. Les pharmaciens interrogés provenaient de différentes régions libanaises et occupaient différents postes dans les compagnies. Ils ont été choisis selon la convenance.

Questionnaire

Deux types de questionnaire ont été distribués : l’un adapté aux pharmaciens d’officine et l’autre aux pharmaciens des firmes pharmaceutiques. Nous leur avons demandé de répondre eux-mêmes aux questions posées et de rendre le questionnaire dès que terminé.

Les questionnaires étaient constitués de trois parties :

  • une partie concernant les caractéristiques démographiques, académiques et professionnelles du pharmacien ;
  • une partie concernant la satisfaction du pharmacien dans son travail. Les questions posées concernaient l’image du travail dans la société, les avantages sociaux et financiers du travail, la satisfaction morale, intellectuelle et générale et la possibilité de changement de travail ;
  • une partie concernant la pharmacie clinique constituée de questions concernant la connaissance de la pharmacie clinique, la possibilité de suivre des cours de mise à niveau pour la pratiquer et la possibilité de la pratiquer. Les questions dans cette partie diffèrent entre les pharmaciens d’officine et les pharmaciens des firmes pharmaceutiques.

Méthodes statistiques

La saisie et l’analyse des données ont été effectuées sur SPSS, version 13.0. Des tests statistiques bilatéraux ont été utilisés : le test du χ2 ou le test de Fisher pour les variables qualitatives dichotomiques ou multinomiales, le test de Mann-Whitney pour les variables quantitatives à variances non homogènes ou distribution non normale et le test de Student pour les variables quantitatives de distribution normale et variances homogènes.

Résultats

Description de l’échantillon

Le nombre total de pharmacies au Liban est de 1825 ; 84 propriétaires ou employés de ces pharmacies ont été interrogés, pris dans différentes régions libanaises : 49  % au Mont-Liban, 14  % à Beyrouth, 11 % à la Bekaa, 11 % au Sud, 13 % au Nord et 2 % à Nabatieh. Les 20 premières compagnies en nombre de pharmaciens comptent 450 pharmaciens. On avait décidé d’en interroger 20 % (90 pharmaciens). Nous avons pu en interroger 72 : 3 % à Abott, 1 % à Algorithm, 7 % à Bristol Myers Squibb, 11 % à Glaxo, 3 % à Jansen Cilag, 6 % à Julphar, 4 % à Lilly, 6 % à Medscience, 1 % à Mersaco, 4 % à Merck Sharp & Dohme, 6 % à Novartis, 3 % à Novo-Nordisk, 7 % à Pfizer, 4 % à Phaenicia, 3 % à Pharmaline, 15 % à Sadco, 12 % à Sanofi-Aventis et 4 % à Servier.

En officine, 73,8 % sont des propriétaires de pharmacie ; en compagnie pharmaceutique, 79,2 % des interrogés sont des délégués médicaux, alors que le reste a des postes de responsabilité. La majorité des pharmaciens travaillant dans les firmes pharmaceutiques sont de sexe féminin(62,5 %) alors que 66,7 % des pharmaciens interrogés en officine étaient de sexe masculin. Un faible pourcentage des deux échantillons a fait des études supérieures (< 10 %) ou suivi une formation clinique après l’obtention du diplôme professionnel. De plus, les pharmaciens des firmes pharmaceutiques sont d’âge plus jeune que les pharmaciens d’officine  (Tableau 1).

Satisfaction des pharmaciens

Dans les figures 1 et 2, la moitié des pharmaciens travaillant comme représentants des firmes pharmaceutiques et pharmaciens d’officine ont trouvé qu’ils sentent un certain progrès scientifique dans leur travail (45,8 % et 39,3 % respectivement). La majorité des pharmaciens travaillant dans les firmes pharmaceutiques ou en officine s’est révélée globalement satisfaite de l’environnement physique ainsi qu’au niveau moral et au niveau intellectuel. Concernant les avantages financiers, les résultats étaient à peu près égaux (80 % et 50 % respectivement).

Figure 1 Satisfaction des pharmaciens d’officine

Concernant l’image de leur travail dans la société, 54,8 % des pharmaciens d’officine la trouvaient positive. Les pharmaciens d’officine (42,9 %), surtout les pharmaciens assistants, ont trouvé que les avantages sociaux ne sont pas meilleurs que dans d’autres domaines de travail. Cependant, pour la majorité des pharmaciens assistants (65 %), les offres financières n’étaient pas avantageuses. Néanmoins, la majorité des pharmaciens d’officine ne pensent pas changer de travail.

Pour les pharmaciens des firmes pharmaceutiques, plus que 80 % étaient d’accord que leur travail a une image positive dans la société (Figure 2). La majorité ont trouvé que les avantages sociaux et financiers sont meilleurs que dans d’autres domaines de travail (72,2 % et 65,3 %), et ceci crée pour eux une certaine motivation. Seuls 18,1 % ont trouvé qu’ils utilisaient la formation qu’ils avaient acquise à la faculté de pharmacie dans leur travail, alors que 31 % des pharmaciens d’officine ont répondu qu’ils utilisaient cette formation dans leur travail. Pour les pharmaciens des firmes pharmaceutiques, 33,3 % ne pensent pas changer de travail alors que 31,9 % le feraient ; 37,5 % des représentants médicaux généralement satisfaits pensaient quand même changer de travail.

Figure 2 Satisfaction des pharmaciens d’officine

Pharmacie clinique

La moitié des pharmaciens d’officine ou des représentants médicaux déclarent avoir assez d’information concernant la pharmacie clinique (52,4 % contre 41,7 %). Le tiers des pharmaciens interrogés ont répondu qu’ils auraient le temps et les compétences nécessaires pour l’application de la pharmacie clinique (38,1 % contre 27,8 %).

Vingt-deux pour cent des représentants médicaux ont accepté de quitter la prospection pour travailler comme pharmaciens cliniciens, alors que 33,33 % étaient incertains s’ils quitteraient la prospection pour moins de revenus et 26,4 % ont refusé ceci. La majorité des représentants des firmes pharmaceutiques qui pensaient déjà changer de travail ont accepté de quitter la prospection pour travailler comme pharmaciens cliniciens avec moins de revenus (80 %).

La majorité des pharmaciens d’officine ont répondu qu’ils accepteraient d’appliquer la pharmacie clinique dans leur officine et qu’ils avaient le temps de le faire. Les pharmaciens d’officine dans toutes les régions ont accepté d’assister à une formation de mise à niveau pour une bonne pratique de la pharmacie clinique. La totalité (100 %) des pharmaciens d’officine qui ont un diplôme de docteur en pharmacie (Pharm D) ont accepté d’appliquer la pharmacie clinique dans leur pharmacie ; pour ceux qui ont un doctorat d’exercice, ils étaient 90,9 % à accepter, et pour ceux qui ont un diplôme de pharmacien 76 %.

Analyse des sous-groupes

Chez les pharmaciens d’officine, les assistants sont moins satisfaits financièrement, mais plus satisfaits de l’environnement physique que les propriétaires des officines (Tableau 2). Ce sont surtout les considérations morale et intellectuelle qui font que le pharmacien d’officine soit moins satisfait en général et qui le poussent à vouloir changer de travail (p < 0,05) (Tableau 3). Cependant, chez les pharmaciens en firme pharmaceutique, c’est la perception du manque d’avantages sociaux qui affecte la satisfaction en général et la décision de changer de travail (p = 0,008) (Tableau 4).

Discussion

Dans cette étude, la majorité des représentants des firmes pharmaceutiques ont trouvé qu’ils sentaient un certain progrès au niveau scientifique. Ceci peut être dû au fait que la majorité des pharmaciens interrogés travaillaient dans des bureaux scientifiques où est fournie une formation continue. Mais il est important de mentionner que cette formation est limitée aux produits qu’ils sont en train de promouvoir. En officine, le progrès scientifique revient à la mise sur le marché de nouveaux médicaments ou à un effort personnel. À ce niveau, l’Ordre des pharmaciens organise des conférences de formation continue qui se déroulent toutes à Beyrouth, ce qui crée un problème pour les pharmaciens dans les régions en dehors de la capitale qui trouvent des difficultés au niveau des transports et du temps.

Comme déjà décrit par Calis et al. dans Healthy People 2010 [9], les pharmaciens d’officine ne sont généralement pas caractérisés comme les premiers prestataires de soins, mais l’accessibilité et leur familiarité avec les patients peuvent les rendre les premiers professionnels de soins de santé recherchés quand un problème survient. Cette fonction leur a conféré une image de conseiller et un respect par le patient. Malgré tous les problèmes qui ont affecté la profession de la pharmacie d’officine au Liban, la remise courante sur les prix des médicaments et la présence de médicaments illégaux dans les pharmacies, le pharmacien d’officine conserve toujours une certaine image positive dans la société : 54,8 % des pharmaciens d’officine étaient d’accord que leur travail avait une image positive dans la société. Pour les représentants des firmes pharmaceutiques, les opinions concernant l’image positive étaient plus réduites. Ceci tient au fait que la prospection n’est pas exclusive pour les pharmaciens, ce qui conduit à une sous-estimation par le médecin des connaissances scientifiques du représentant médical [10].

La majorité des pharmaciens interrogés, représentants médicaux ou propriétaires de pharmacie, étaient satisfaits des avantages financiers et ceci créait pour eux une motivation. En général, les pharmaciens au Liban sont bien payés (USD 18 000-36 000/an), surtout dans les firmes pharmaceutiques, si on veut les comparer avec les autres employés libanais (USD 2400–24 000/an) [10]. Le fait que les pharmaciens assistants n’étaient pas d’accord que les avantages financiers et sociaux de leur travail sont meilleurs que dans d’autres domaines de travail revient aux faibles salaires qu’ils reçoivent à comparer avec les représentants des firmes pharmaceutiques en échange d’une présence longue et chargée de responsabilités en pharmacie. Cependant, pour la majorité, les avantages financiers n’influencent pas leur décision de changement de travail.

Le fait que la majorité des pharmaciens d’officine propriétaires ou assistants aient trouvé que les avantages sociaux ne sont pas meilleurs que dans d’autres domaines de travail reviendrait à l’absence d’application du programme de l’ouverture périodique les dimanches et les jours fériés, ce qui les amenait à assurer des permanences durant ces jours pour faire face à la compétition.

Un très faible pourcentage des représentants médicaux a répondu qu’ils utilisaient la formation qu’ils avaient reçue à la faculté de pharmacie dans leur travail. Comme représentant médical, la connaissance scientifique du pharmacien va se limiter avec le temps au produit dont il doit faire la promotion et à la pathologie concernée par ce médicament. Cependant, en officine, la multitude et la variabilité des prescriptions, des patients et des médicaments permettent au pharmacien de plus employer cette formation.

Les pharmaciens d’officine ne pensent généralement pas changer de travail. Ceci peut revenir à plusieurs facteurs, mis à part la satisfaction de leur profession actuelle : l’âge du pharmacien, la stabilité dans la pharmacie, les investissements importants effectués dans les pharmacies, le refus de travailler comme représentant médical et l’absence d’autres opportunités. Les pourcentages des représentants médicaux qui pensent changer de travail sont par contre plus importants, à cause du degré de satisfaction de leur poste et d’autres facteurs tels que la durée de travail comme représentant médical, la possibilité de promotion, le profil de la compagnie (bureau scientifique ou agent de distribution), la situation économique et politique instable du pays qui rend chacun fixé dans son travail, et l’absence d’autres opportunités de travail.

La majorité des pharmaciens déclarent être informés à propos de la pharmacie clinique. Le fait que la majorité de ceux interrogés trouvent qu’ils ont les compétences nécessaires pour pratiquer la pharmacie clinique peut tenir à la formation qu’ils ont reçue pour le faire ou à leur sous-estimation de la pharmacie clinique. Il en est de même pour ceux qui ont répondu qu’ils auraient le temps de le faire dans les pharmacies d’officine. Il serait quand même nécessaire d’évaluer les compétences cliniques des pharmaciens avant l’application de la pharmacie clinique. L’acceptation par la majorité des pharmaciens de pratiquer la pharmacie clinique dans leur officine indique que les pharmaciens libanais veulent bien se débarrasser de l’image du vendeur-profiteur dont souffre la profession dans quelques régions. Cette acceptation s’est révélée totale chez les pharmaciens ayant un diplôme de docteur en pharmacie (Pharm D) qui veulent sincèrement employer leur formation clinique dans leur pratique à l’officine et dont ils connaissent le bénéfice pour le patient. De plus, plusieurs pharmaciens ont accepté d’assister à des cours de mise à niveau pour une bonne pratique de la pharmacie clinique. Pour réussir cette formation, il faut qu’elle soit obligatoire, accréditée et décentralisée. La décentralisation réduirait les déplacements et permettrait un gain de temps. Mais il est important de noter que certains pharmaciens (15,5 %) ont refusé de pratiquer la pharmacie clinique soit par manque de temps soit parce qu’ils sont convaincus que ces activités cliniques ne correspondent pas à leur profil. Le refus de beaucoup de représentants médicaux de quitter la prospection pour travailler comme pharmaciens cliniciens avec moins de revenus conduit à la nécessité d’établir une offre acceptable pour les pharmaciens cliniciens. Vu l’économie que le pharmacien clinicien peut assurer pour l’hôpital, il est nécessaire qu’il soit satisfait du point de vue financier pour qu’il puisse exercer correctement ses fonctions.

Nous sommes conscients des biais dont souffre notre étude : un biais de sélection est possible puisque quelques régions étaient difficiles à atteindre pour les officines. Pour les représentants des firmes pharmaceutiques, nous nous sommes basés sur les données de l’Ordre des pharmaciens libanais pour choisir les 20 premières compagnies pharmaceutiques en nombre de pharmaciens. Ceci a conduit au fait que la majorité des pharmaciens interrogés travaillaient dans des bureaux scientifiques où les conditions financières et scientifiques sont généralement meilleures que celles offertes par les agents de distribution des médicaments au Liban. Malgré ces points faibles, nous n’avons pas de raison de croire qu’un changement au niveau de la méthodologie donnerait des résultats différents de ceux que nous avons obtenus.

Avec cette étude, nous avons donc fait le tour de l’établissement de la pharmacie clinique en tant que discipline indépendante au Liban : l’utilisation des médicaments à l’hôpital souffre de plusieurs failles, pouvant être source d’erreurs médicamenteuses parfois fatales [11]. Les membres des équipes de soins et les directeurs des hôpitaux libanais sont conscients du besoin et voudraient bien embaucher les pharmaciens cliniciens [12], et plusieurs pharmaciens libanais se déclarent prêts à travailler en clinique ; ils seraient à même de suivre des cours de mise à niveau pour pouvoir l’appliquer. En conclusion, cette discipline, qui a déjà internationalement fait ses preuves, serait une excellente occasion d’améliorer le système de soins au Liban.

References

  1. American College of Clinical Pharmacy. The definition of clinical pharmacy (Disponible sur le site www.accp.com, consulté en décembre 2008).
  2. European Society of Clinical Pharmacy. What is Clinical Pharmacy? (Disponible sur le site www.escpweb.org, consulté en décembre 2008).
  3. American College of Clinical Pharmacy. Position Statement. Practice Guidelines for Pharmacotherapy Specialists. Pharmacotherapy, 2000; 20(4):487–90.
  4. Schumock GT et al. Evidence of the economic benefit of clinical pharmacy services. Pharmacotherapy, 2003, 23(1):113–32.
  5. Bond CA, Raehl CL, Franke T. Interrelationships among mortality rates, drug costs, total cost of care, and length of stay in United States hospitals: Summary and recommendations for clinical pharmacy services and staffing. Pharmacotherapy, 2001, 21(2):129–41.
  6. Nesbit JW, Shermock KM, Bubek B. Implementation and pharmacoeconomic analysis of a clinical staff pharmacist practice model. American journal of health-system pharmacy, 2001, 58:784–90.
  7. Bond CA, Raehl CL, Franke T. Clinical pharmacy services, pharmacist staffing, and drug costs in United States hospitals. Pharmacotherapy, 2002, 19(12):1354–62.
  8. Bond CA, Raehl CL, Franke T. Clinical pharmacy services and hospital mortality rate. Pharmacotherapy, 1999, 19(5):556–64.
  9. Calis KA et al. Healthy People 2010: Challenges, opportunities, and a call to action for America’s pharmacists. Pharmacotherapy, 2004, 24(9):1241–94.
  10. Salameh P, Hamdan I. Pharmacy manpower in Lebanon: An exploratory look at work-related satisfaction. Research in social & administrative pharmacy, 2007, 3(3): 336–50.
  11. Salameh P et al. Le circuit du médicament dans les hopitâux Libanais. Epidemiology and public health, 2007, 55(4):308–13.
  12. Salameh P, Bou Chahine N, Bou Antoun R. La pharmacie clinique au Liban : une étude pilote concernant l’opinion du personnel hospitalier. Journal Médical Libanais, 2006, 54(1):2–8.